C'était le plus beau jour de ma vie : le type sur lequel je craque, un jeune voisin beau comme un dieu, est venu me chercher à la fac et m'a emmener déjeuner avec lui dans un petit salon de thé tout mignon... non, je rosis un peu le tableau. Ayden est un voyou, un vrai, intimidant et couvert de tatouages, qui semble toujours sur les marges de la société et de ce qui est permis. Si mon père savait que je couche avec lui, j'aurais de gros problèmes. Mon père est directeur d'une usine d'armement et ne plaisante pas avec mes fréquentations.

Et le salon de thé, c'est un troquet à la sortie de la fac, un bar étudiant avec un billard, des affiches de femmes nues au mur, bref, le genre d'endroit où on n'est vraiment pas surveillés. Je ne suis pas censée y aller, de façon générale, et surtout pas sur la moto d'Ayden.

N'empêche que nous y sommes. Et le chauffeur de mon père est là aussi. Pire : si il est là... mon père ne doit pas être loin. La maison est à des kilomètres... Ou alors, mon père l'a envoyé pour qu'il m'espionne ; dans tous les cas, je suis fichue. Si Kaplan raconte ce que je fais quand Monsieur le Directeur a le dos tourné, je vais les passer au couvent, ces années d'études...

"Allons, ne faites pas cette tête," dit Kaplan en prenant place à notre table.

"C'est qui, ce type ?" réplique Ayden, déjà prêt à la bagarre. Oh mon Dieu, il ne manquerait plus que ça... Je pose ma main sur son bras pour le calmer.

"C'est rien, c'est mon chauffeur. Qu'est-ce que vous faites là, Kaplan ?"

"Des courses," répond le petit homme grisonnant, avec son éternel sourire de sphinx.

Menteur. Il est envoyé pour le surveiller. Maintenant je n'ai plus aucun doute. Si il avait amené mon père ici, il le dirait ; ça n'aurait rien de gênant...

"Il te cherche des histoires ?" gronde Ayden en serrant le poing.

"Non... N'est-ce pas ?"

Je lance un regard suppliant au chauffeur, qui commande un thé pour nous accompagner.

"Oh, mais non, mademoiselle Julie ! Je venais simplement vous saluer. Et vous, monsieur Ayden ? Vous venez démarrer des études vous aussi ? C'est votre oncle qui va être content..."

"Les dates d'inscription sont passées," réplique Ayden en ricanant.

"En tout cas, ça fait plaisir de constater que vous entretenez toujours des relations de bon voisinage, même si loin de chez vous," continue le petit vieux avec son air chafouin. "De nos jours, les jeunes gens sont parfois si mal élevés. Si vos parents vous voyaient."

Je commence à ne plus supporter sa petite comédie.

"Suffit. Vous savez très bien ce qu'on fait. On sort ensemble," dis-je brutalement. J'ai besoin de le dire à voix haute, même si ça risque de faire un choc à Ayden ; je n'ai encore rien établi avec lui, même si on a déjà passé quelques nuits plus que torrides.

Il ne réagit pas. Je continue :

"Et vous savez que nos parents seraient furieux si ils l'apprenaient."

Quand je dis nos parents, c'est mon père et son oncle. Ma mère n'a pas souhaité s'occuper de moi, j'ai grandi sans elle ; et les parents d'Ayden sont loin, en Argentine, à vivre la belle vie, tandis que leur fils est "rééduqué" par son oncle qui ne laisse rien passer. Un vrai adjudant. Mais à eux deux, mon père et son oncle valent bien tout un conseil familial. Et ils ont notre destin bien en main. Il ne faut pas qu'ils sachent.

Comment est-ce que je pourrais convaincre Kaplan de tenir sa langue ?

Comme si il lisait dans mon esprit, il déclare de lui-même, en relevant le nez de sa tasse de thé : "Ils ne vont pas forcément l'apprendre. Si vous promettez d'être raisonnables, et que c'est la dernière fois que vous vous voyez, je promets de ne rien dire à votre père. Voyez-vous, moi, j'ai toujours été d'avis que les jeunes gens ont droit à l'erreur. Tant qu'ils s'efforcent de corriger cette erreur, bien sûr, et je ne doute pas que c'est ce que vous ferez."

Je le regarde avec méfiance. Promettre ? C'est tout ? Je pourrais très bien promettre et ne pas tenir, mais après tout, lui aussi... Ce n'est pas très sûr, tout ça ! Mais je tente ma chance, en serrant la main d'Ayden dans la mienne pour lui faire comprendre que ce n'est qu'une manoeuvre.

"Comment, corriger ? Juste ne plus revoir Ayden ?"

"Mais oui... Enfin... Aux fêtes de voisinage, bien sûr. Comme vous reverrez son oncle, mademoiselle Julie. Vous n'allez pas vous enfermer dans votre chambre..."

Je fronce les sourcils. Est-ce qu'il sait que j'ai fait monter mon amant dans ma chambre ? Ce serait bien plus grave. Il est au courant du degré de confidentialité qui entour mon père, et la maison ; il était déjà le chauffeur de notre prédécesseur, le directeur de l'usine qui habitait ce logement de fonction avant mon père. Il ne sait pas exactement pourquoi cette maison est aussi fermée ; mais il sait qu'elle l'est. Il sait que personne ne doit y entrer contre l'avis de mon père, il sait que c'est très important.

C'est lui qui amène nos invités de marque, et il sait que ça doit rester discret. Déjà plusieurs fois, des grands noms de l'armée sont venus dîner à la maison et discuter dans le bureau de mon père.

J'ai eu droit à un discours très sérieux sur le fait qu'il ne faut pas inviter n'importe qui chez nous, que certains documents très importants y sont gardés, et que ce serait terrible s'ils étaient volés, endommagés ou détruits.

Je peux être sûre que Kaplan a eu droit au même discours, à l'époque où il a été engagé. Et si il sait que j'ai fait entrer un homme dans ma chambre à l'insu de mon père, il sait aussi que je ne respecte pas cette consigne. Il ne peut pas laisser ça impuni ! Il ne peut plus se fier à ma parole... Je ne comprends pas à quel jeu il joue.

"Vous savez où est votre place, tous les deux. Mademoiselle Julie, votre place est en cours ; et à la maison, votre place est dans votre chambre. Monsieur Ayden, votre place n'y est pas, si je puis me permettre. Restez chacun à votre place, et personne n'aura d'ennuis. C'est aussi simple que ça ! Croyez-moi, vous vous faites des soucis pour rien !"

Je hausse les épaules ; notre vie est quand même en danger... Il s'en rend compte et ça le fait rire. Bon, on ne va pas se faire tuer, mais jeunes comme on est, c'est du pareil au même. Nous forcer à nous séparer, c'est nous priver de ce qui fait le sel de notre vie.

"Bon... Disons qu'on se voit aux fêtes de village et rien de plus," dis-je en secouant la tête d'un air de défaite, une petite comédie qui ne me coûte pas bien cher. "Vous ne direz vraiment rien à mon père ? Vous me le jurez ?"

"A moins que je vous voie briser votre promesse," sourit Kaplan.

Le salaud. Voilà comment il me tient.

Je regarde Ayden d'un air de désespoir : "Tu es sûr que les inscriptions sont fermées ?"

Faire une première année de n'importe quoi, juste pour pouvoir traîner avec moi, ce serait une idée... mais c'est une école prestigieuse et hors de prix, et puis, il n'en a sûrement pas envie... il ne m'aime pas à ce point là. Ce n'est pas son monde et il y serait malheureux, ses copains se moqueraient de lui. Mais à ma grande surprise, il répond :

"J'ai vérifié il y a une semaine, et c'était déjà foutu. J'ai appelé le secrétariat pour être sûr. Rien à faire, faut que j'attende l'an prochain. Mais c'est pas plus mal, je peux essayer d'apprendre un truc d'ici là... un sport, par exemple ?"

Il est boudeur et renfrogné, maladroit, mais déterminé ; et je vois bien qu'il est sérieux. Il envisage de rejoindre cette école pour être à mes côtés. Je ne sais pas si il serait accepté avec ses tatouages et son casier judiciaire, je ne sais même pas si l'armée voudrait de lui, mais il est prêt à essayer pour se rapprocher de moi !

Je résiste à l'envie de lui sauter au cou, mais Kaplan nous regarde. Je me contrôle de justesse. Un an à attendre en se cachant au maximum ? Pourquoi pas. Je suis coincée ici pour des années, jusqu'à ce que je décroche mon doctorat. Je ne dirais pas non à un peu de compagnie. Même si c'est pour se faire chier et redoubler... il sera au moins près de moi, et il ne sera pas ailleurs à se mettre en danger, deux bons points.

"Oui, tu pourrais tenter ça. Ton oncle serait sûrement fier de toi. Il comptait t'aider à redresser ta vie, pas vrai ? Des études, ce serait un bon début. Je ne sais pas, vous en aviez déjà parlé ?"

Kaplan boit son thé en nous regardant, attendant qu'on discute. Il n'est pas pressé, et on dirait qu'il aime bien la direction que prend notre conversation. C'est difficile à dire avec lui, c'est un petit bonhomme énigmatique, aux yeux de chat ; on a presque envie de caresser ses cheveux gris, mais au fond, personne ne sait ce qui se passe dans son crâne...

"Non, on n'en a pas parlé," rit Ayden en s'appuyant contre moi doucement. "On ne parle pas, en général. Il ne me payerait pas ça. Je ne suis pas sûr que ça soit une bonne idée de lui en parler. Tu crois que je dois tenter quand même ?"

Je réfléchis à toute vitesse. Et c'est alors que je pense à Madison.

Est-ce que mon père ferait ça pour le copain de ma meilleure amie ? Bon, ça va faire beaucoup de révélations d'un coup : Madison n'est pas ma meilleure amie, et Ayden ne sortait pas avec elle jusqu'à nouvel ordre... Je me rends compte tout à coup que je suis en train d'inventer une histoire invraisemblable pour l'arnaquer.

Mon père, ça a toujours été ma seule famille. Je ne peux pas faire ça.

"Essaie," dis-je d'une voix triste. "Et si il dit non... On verra bien."

Je me tourne vers Kaplan : "Si Ayden est à sa place ici, ça ne vous dérangera pas qu'on déjeune ensemble ? Ou vous êtes obligé de faire un rapport sur tout ce qui se passe dans ma vie ?"

Le chauffeur a terminé son thé, et nous regarde d'un air pensif. Il se relève finalement, ramasse son écharpe et la rattache autour de son cou.

"J'aviserai. Mais vos efforts sont appréciés."

Parfois, j'ai envie de lui arracher les mots de la gorge. Il est insupportable à danser autour des informations comme ça ! Je vais devenir folle si ça continue ! Il s'en va et je me tourne vers Ayden :

"Bon, c'est sûr maintenant, il est chargé de me suivre. J'aurais dû me douter que mon père me ferait un coup comme ça. Il bosse dans l'armement, mais pas que. Il a des contrats avec des gens très haut placés, c'est un peu flippant parfois quand j'y pense... Enfin bref, sa précieuse fille, c'est son point faible, et il ne voudrait pas que quelqu'un prenne de l'ascendant sur moi et... par voie de conséquence, sur lui."

Je baisse le nez, honteuse. J'aurais dû lui parler de tout ça avant qu'on commence à faire des bêtises, lui et moi ! Et maintenant il est un peu tard. Il croque dans un croissant, soulagé depuis que notre interlocuteur a quitté la salle.

"Bah, peu importe."

"Comment ça, peu importe ? Si il apprend que je sors avec toi, il va tout faire pour qu'on ne puisse plus se revoir !"

"Je l'emmerde," sourit Ayden. "J'ai ma moto, je fais ce que je veux."

"Il va aller trouver ton oncle, et lui dire de te renvoyer en Argentine !"

Cette fois, il éclate de rire, de son grand rire qui fait se retourner en sursautant les gens autour de lui, et je ne peux pas résister à l'envie de rire avec lui, même si je ne comprends pas ce qui lui prend. Je ris et je me sens perdue en même temps. Mais je ressens le halo de son assurance, et je m'y baigne comme dans la lumière d'un soleil.

"En Argentine, je suis chez moi. Je me casse comme je veux. Je fais un coup, je gagne un peu d'argent, et je reviens. Ici, je squatte chez les potes, ceux du groupe, par exemple. On fait de la musique et quand tu as du temps, tu nous rejoins. Ou je viens te hanter ici."

Il sembletout trouver si simple ! Eh bien, puisque ça ne le dérange pas... Il faut que je retourne en cours, de toute façon. Il me ramène sur sa moto et je ne peux pas m'empêcher de me dire qu'il prend tout ça un peu trop bien. D'un côté, j'espère que c'est parce que rien ne pourra nous séparer... d'un autre côté, je me dis que c'est juste parce qu'il se fiche de cette histoire, et il n'a rien d'important à y perdre ; c'est juste une petite aventure en passant.

J'essaie de ne pas trop me prendre la tête. Le principal, pour le moment, c'est que Kaplan ne me dénonce pas à mon père. Et cet étrange bonhomme a l'air d'avoir pris sa décision à ce sujet. Je vais me changer les idées en cours de droit, tiens. Et dans les jours qui viennent... On va faire profil bas tous les deux. On parlera au téléphone.

C'est ennuyeux, c'est froid. Ça me pèse. Pirate vient se percher sur mon épaule et s'endort dans mes cheveux ; elle sent que je ne vais pas très bien. Pauvre minette, dire qu'elle est le cadeau que m'avait laissé mon dernier copain pour me consoler de notre rupture... et maintenant...

Non, ce n'est pas fini. Je vais garder la tête hors de l'eau. Je ne me laisse pas abattre si facilement. Je me promets d'aller à la prochaine fête étudiante et de rencontrer du monde. C'est ça qu'il me faut, des amis, une vie sociale. Depuis qu'on a émigré à Los Angeles, je suis coincée avec mon père dans cette foutue banlieue résidentielle à la Desperate Housewives et je n'ai pas de potes de mon âge à fréquenter, à part quand je me greffe sur le groupe de bad boys qui errent en marge du quartier, Ayden et ses copains.

Il faut que je me reconstruise ma propre vie. Je suis la petite Française grande gueule qui connaît le cours par coeur et qui répond au prof, il faut que je devienne la petite lumière des soirées, la fille populaire que tout le monde veut approcher. Je sais que j'en suis capable. Je suis élégante, originale, je viens d'un autre pays. Ça devrait intéresser.

Je ne suis pas vraiment en mode "trouver un autre mec sur place" mais si vraiment Ayden n'est pas aussi amoureux que moi, je ne me gênerai pas.

Le soir avant la fête, je vais trouver Madison, qui travaille en écoutant de la musique, assise en tailleur sur son lit. J'écarte un écouteur de son oreille, par curiosité, et j'écoute un peu moi aussi : un morceau de vaporwave rétro-futuriste qui me donne le bourdon immédiatement.

"Qu'est-ce que tu fais ?"

"Je relis mes cours," dit-elle en me fixant de son regard morne, comme si elle s'attendait à ce que je lui fasse la leçon pour ses goûts étranges. Mais pas ce soir. Ce soir, je suis gentille.

"Tu viens à la fête demain ?"

"Quelle fête ?"

Evidemment elle n'est pas au courant. Je lui explique que c'est la fête de la rentrée, qu'il y aura tous les beaux gosses de l'option sport, des jeux et des animations, que les associations étudiantes organisent des tombolas et des concours... Elle m'écoute patiemment, attendant que j'aie fini avant de dire sur le même ton de voix : "Non, je ne viens pas."

"Mais pourquoi ?"

"Je n'aime pas les fêtes."

Oh mon Dieu, qu'est-ce que je vais faire de cette fille ! Je me passe les mains sur le visage et je la regarde en coin, cherchant par quel côté attaquer l'ascension. On dirait qu'elle est entourée de falaises, complètement inaccessible.

"Tout le monde aime les fêtes."

"Pas moi."

Je relis le programme pour m'inspirer : "Il y aura la section science, tiens, peut-être des gens que tu connais ? Il n'y a pas des beaux gars dans ta classe qui..."

"Les garçons, ça ne m'intéresse pas."

Je crois que je vais exploser si cette conversation continue trop longtemps. Mais c'est ça ou penser à Ayden et me morfondre. Je tombe sur une ligne du programme, et soudain, me voilà sincèrement intéressée. Je ne pensais pas que cette bande de cinglés faisait des choses aussi cool.

"Ils vont présenter un jeu vidéo en réalité virtuelle qu'ils ont eux mêmes conçu. C'est trop bien ! Le thème c'est : la physique quantique pour les nuls. Tiens, j'y ferai un tour, c'est vrai que je n'ai jamais trop compris cette histoire de physique quantique."

Madison a levé un sourcil intéressé. Ah ! Est-ce que je serais arrivée à piquer sa curiosité ? Je lui montre la ligne et elle lit les noms en face : oui, elle les connaît. Ce sont des étudiants de dernière année qui sont déjà venus faire un discours de bienvenue l'an dernier, pour les nouveaux de la promo. Ils ont l'air de connaître leur rayon.

On décide d'aller à leur attraction ensemble. Ce sera la première fois qu'on s'organisera une sortie, tiens ! Tu parles d'une colocation. Mon père a vraiment trouvé la candidate idéale pour partager mes soirées, celle qui ne risque pas de me distraire, parce qu'elle est complètement et totalement ennuyeuse, déconnectée de tout ce que je trouve amusant et fun.

Et vice versa. Elle aussi doit se dire que je ne sais pas m'amuser. Mais au moins, elle, ça l'arrange ; elle ne souhaite pas lier de liens particuliers avec moi. Tout ce qui peut la distraire de ses études est son ennemi. Dire qu'il y a des gens comme ça qui existent sur Terre, et qu'ils ont mon âge... j'ai vraiment du mal à me faire à cette idée.

Je cherche à la relooker pour l'événement, mais ça n'a pas le succès escompté. Elle ne veut pas que je lui maquille les yeux ! Elle dit qu'elle n'a jamais fait ça et que ça lui fait peur d'approcher un crayon de son oeil. Mais où est-ce qu'on m'a trouvé ce spécimen ? Je la rassure comme je peux en me maquillant la première, mais rien n'y fait ; elle n'accepte qu'un peu de fond de teint, de fard à paupières et de rouge à lèvres. Mon crayon, mon eye liner et mon mascara, je peux me les garder, pour le dire poliment.

Bon, j'arrive quand même à la coiffer et à lui faire porter une de mes robes cocktail courtes, et je ris en voyant le résultat : elle a l'air tout à fait à l'aise... comme quelqu'un qui ne réalise pas ce qu'il a sur le dos. Elle est adorable et craquante, et elle ne s'en rend pas du tout compte. Attendrie, je la conduis à la fête en la tenant par le bras, comme si elle était ma petite soeur à qui je vais faire découvrir les merveilles de la vie nocturne.

J'espère que tout va bien se passer, sinon je sais d'avance qu'elle va m'en tenir personnellement responsable, et que je ne pourrai plus l'emmener nulle part après ça. Mais si je reste près d'elle à la surveiller, tout devrait bien se passer, non ? Ça m'a eu l'air d'une fête parfaitement organisée. Les boissons sont servies depuis une série de tonneaux, avec des robinets, ce que je trouve à la fois amusant et bien sécurisé. Pas de ces rangées de verres pleins qui attendent sur une table à la portée de tout le monde, comme on voit parfois...

On commence par tester le jeu en question ; il n'y a pas tellement de candidats, mais Madison et moi, on est comme des petites folles. C'est la seule activité qu'on a trouvée, depuis qu'on se connaît, qui nous intéresse toutes les deux ! Autrement dit, une occasion à ne pas manquer ! On met nos casques en rigolant et voilà qu'on ne voit plus rien. De la fête, en tout cas. Mais Madison préfère ça : nous voilà en train d'évoluer dans un univers aux lois complètement différentes, au milieu des molécules et autres protons.

Je dois avouer que c'est un jeu dynamique et plein de challenge, une manière sympathique d'instruire au sujet de ces sujets compliqués. Et je m'amuse beaucoup à déséquilibrer ma partenaire pour la faire tomber hors d'un rayon ou d'un champ de forces. Puis elle se désintègre et sort du jeu, tandis que je continue la partie seule, encore une minute ou deux.

Je sens que l'organisateur vient m'aider en me soutenant les bras... non, ce n'est pas lui, il n'est pas si grand. D'ailleurs il est à un mètre de moi, j'entends sa voix qui demande : "C'est qui lui ?" en parlant de l'homme qui s'improvise mon copilote, debout derrière moi.

Madison répond juste : "C'est un ami", et l'organisateur le laisse faire.

Hey ! Mais c'est que je n'ai pas envie d'être touchée par les amis de Madison, moi ! Elle est bien gentille mais... Elle est surtout très naïve, je le devine : incapable de démêler le vrai du faux, ou le dangereux du sûr, notamment en ce qui concerne les hommes. Je la vois très bien s'imaginer que quelqu'un est un ami, alors que c'est un affreux pervers.

C'est justement pour ce genre de cas que je compte bien rester non loin d'elle toute la soirée, juste au cas où. C'est sa première tentative, je la laisserai se débrouiller plus tard.

Je retire mon casque et la partie se termine. D'autres candidats se présentent, attirés par nos rires ; on leur a fait de la pub, aux étudiants en science. Moi, je vérifie que Madison n'est pas loin, et je me retourne pour faire face à l'inconnu.

Et je me retrouve nez à nez avec Ayden.

En le voyant devant moi, je perds aussitôt tous mes moyens. Je suis perdue entre plusieurs envies, celle de me jeter dans ses bras, celle de reculer et de l'éviter, la colère et la reconnaissance, l'amour et la haine. Qu'est-ce qu'il vient faire là, à un moment pareil ? Alors que je commençais tout juste à me changer les idées. Ce n'est pas comme ça qu'il me rendra plus facile la dure tâche de l'oublier pour un temps, jusqu'à ce qu'il ait une raison légitime de m'approcher...

Tout ça s'échappe de ma pensée sous forme d'une attaque involontaire :

"Toi ! Qu'est-ce que tu fous là ?"

Il ne se démonte pas et me sourit aimablement, comme si je venais de le saluer avec toute la courtoisie du monde :

"C'est pas interdit de venir aux fêtes étudiantes, non ? Y avait des affiches placardées dans tout le quartier, pour ce truc ! J'ai été tenté, c'est pas de ma faute !"

"Tenté ? ...Tu veux faire une partie de VR ?" dis-je d'un ton dubitatif.

"Les places sont prises," sourit-il en montrant les nouveaux joueurs qui se sont emparés des casques, et commencent à s'aventurer dans l'univers virtuel. On recule pour leur laisser la place ; je suis encore sous le choc de ce que je viens de découvrir, la présence de mon amant à cette fête où j'essayais de l'oublier.

On rejoint Madison, et on commande des boissons, des bocks pour nous, une limonade pour elle ; je la regarde à son tour avec étonnement. Un ami, hein ? Elle et ce bad boy tatoué ? Mais pourquoi pas après tout, ils sont peut-être allés à la même école quand ils étaient petits... qui sait.

"Alors euh... Vous vous connaissez ?"

"Non," dit simplement Madison.

"Mais tu as dit que c'était un ami."

Ayden glousse comme un imbécile, et je me tourne vers lui, méfiante.

"Quoi ?"

"Elle m'a demandé qui j'étais, j'ai juste dit : un ami. C'est vrai, non ? Puisqu'on n'a plus le droit de sortir ensemble. On ne va quand même pas être ennemis !"

Le malin. J'aurais dû m'en douter. Je trempe les lèvres dans mon verre en le regardant avec un mélange de suspicion et d'amusement. Je devrais lui dire de partir, que ce n'est pas prudent, mais au fond il a raison : les jeunes gens sont à leur place dans les fêtes étudiantes ouvertes au public, même Kaplan serait forcé de le reconnaître...

Dans un coin, Madison a trouvé une autre étudiante en sciences avec qui elle parle de ses recherches du moment ; son visage a retrouvé un peu d'animation. Je les entends parler d'espace de Fock, une histoire de bosons, dommage, ça aurait pu être une insulte marrante. Je crois que je peux la laisser, elle a l'air d'être entre de bonnes mains.

De toute façon, toutes mes bonnes résolutions viennent de s'envoler.

"On danse ?"

Sans attendre sa réponse, je saisis Ayden par la main et je l'entraîne sur la piste. Autour de nous, d'autres qui ne dansent pas soufflent des bulles au dessus de nos têtes, façon de leur permettre de participer. Je vois un joli petit étudiant en lettres, assis dans un fauteuil roulant et l'air mélancolique, qui s'évertue à dessiner des bulles en forme de coeurs. Dans une autre situation, je serais allée lui parler, et peut être même que je serais sortie avec lui. Il me rappelle mon ex. Et je suis sûre que c'est un rat de bibliothèque lui aussi...

Mais ce soir, je danse avec Ayden, au centre de la piste, et on est les rois de la fête.

Il est plus sexy que jamais. Lui aussi s'est fait beau pour cette soirée. Je suis toujours impressionnée par la façon dont tous les vêtements le mettent en valeur. Mais ce qui lui va le mieux, c'est d'être nu, et j'ai vraiment du mal à ne pas y penser alors que nos corps se collent l'un contre l'autre, sur une musique sensuelle, aux paroles plus que suggestives...

Il fixe son regard dans le mien, et j'ai presque envie de lui faire l'amour tout de suite, par terre, au milieu des autres danseurs. Quand il me regarde comme ça, je deviens folle, je ne pense plus à rien, mon sang se met à bouillir.

Et il le sait. Le voilà qui en profite.

Sa main se pose sur mes fesses et me ramène contre lui, et je sens qu'il bande déjà. Il se colle contre moi et se frotte comme un affamé de sexe, je me sens basculer dans un état de conscience modifié, et j'oublie Madison. Qu'elle se débrouille. Moi, il faut que je me débrouille de mon côté, que j'arrive à trouver un endroit pour coucher avec Ayden.

Chaque danse devient de plus en plus collée et de plus en plus transpirante, j'ai chaud au milieu de tous ces gens, je ne les supporte plus. Mais je ne sais pas où l'emmener. A l'étage, dans ma résidence ? Non, je ne sais pas, à l'étage il n'a pas le droit d'être là, et on va se faire choper par Kaplan et... il faut qu'on soit un minimum discrets et prudents ; un minimum, ce n'est pas beaucoup. Je l'entraîne finalement hors de la salle, et il me colle contre la porte pour me dévorer de baisers, jusqu'au moment où on gêne les gens qui veulent passer.

Je l'entraîne encore un peu plus loin, à travers les couloirs. C'est un endroit qui ressemble à un vieux château, heureusement. Les recoins et les cachettes ne manquent pas. Il suffit de bien choisir, un endroit où on ne sera pas surpris trop vite. Vu comme on est déjà excités, on n'a pas besoin de longues heures de tranquillité. La danse a déjà largement fait office de préliminaires, et je suis si mouillée qu'il pourrait rentrer en moi comme dans une motte de beurre.

"Julie," chuchote-t-il de sa voix chaude, un peu rauque de désir, "je ne peux plus attendre... Je te veux, là, tout de suite..."

Tant pis, ce sera ici, dans le grand escalier de la fac, derrière un rideau comme la dernière des salopes en chaleur. Je suis incapable d'attendre, et lui aussi. Je serais prête à réveiller le doyen avec nos cris, en ce moment, même si je le regretterais plus tard.

Je me colle contre le mur froid, les mains accrochées à la pierre. Je dois rester stable, il ne pourra pas me soutenir vraiment. Il est trop affamé de sexe, et on est trop collés l'un contre l'autre, pour rester discrets dans ce petit espace. Je rehausse mon cul dès qu'il baisse mon pantalon, je me tiens sur la pointe des pieds pour qu'il soit à la bonne hauteur pour me pénétrer. Il se replace contre moi avec un petit rire sombre, et je sens, même sans le voir, que je me suis livrée à la merci d'un fauve affamé.

Son aura est impressionnante en ce moment, ravageuse, pleine de toutes les flammes de l'enfer, et je la sens qui me prend déjà avant même que son membre remonte inexorablement entre mes cuisses ; une barre de chair imposante qui se fraye un chemin en moi, d'une grande poussée impérieuse. Il me fourre sa main contre le sexe et commence à titiller mon clitoris, tandis que je remue contre lui, en m'empalant de plus belle.

Il gémit doucement et me mordille le côté du cou. J'aurai des marques demain, tant pis. Madison nous a vus partir ensemble, de toute façon. Elle se doute bien que ce n'est pas pour jouer au monopoly, on est des grandes filles toutes les deux...

C'est si bon que j'en perds la tête. Je me colle en arrière contre lui et je remue mes petites fesses pour avaler son membre, aussi profond que possible. Et il réagit, je le sens se tendre en moi, une vraie matraque, jamais il n'a été aussi dur. Il murmure mon nom en caressant mes reins, et soudain m'empoigne à deux mains par la taille. Clac, clac ! Il me ramène contre ses hanches et nos bassins se heurtent, à grands coups sévères et brusques. Il me fait tellement de bien que j'attire une de ses mains contre mon visage, pour qu'il me bâillonne.

Ça y est, je crie, en étouffant ma voix au maximum ; je hurle de plaisir alors qu'il me ravage bien profond... Je retiens mon souffle de justesse, alors qu'au loin, des voix approchent ; un groupe passe devant le rideau, et on reste presque immobiles, juste le petit mouvement sec et vif de ses hanches qui s'activent contre moi...

J'ai l'impression d'être une chienne en chaleur. Il n'y a plus que le sexe qui existe, la force délicieuse et brutale de l'homme qui me pénètre, son désir qui brûle ma peau. Je sens ses lèvres se poser sur ma nuque, et c'est comme un choc électrique qui me traverse de part en part. Je ne suis plus qu'une poupée entre ses mains...

Vite, plus vite, il fait aller son membre en moi, comme si il était pressé d'en finir, et je ressens cette urgence affolante moi aussi. La fièvre m'empêche de penser, il n'y a plus que l'orgasme, suspendu là, à quelques centimètres. On peut le saisir, si on se tend encore un peu plus, si on multiplie les efforts sans faiblir. Et il va être incroyable, titanesque. Je prends déjà mon pied plus que jamais, alors quand je vais jouir, qu'est-ce que ce sera !

La main d'Ayden plonge alors entre mes cuisses et s'enfonce entre les replis de mon sexe. Il pince mon clitoris entre ses doigts, éveillant des frissons de plus en plus violents à travers tout mon ventre, et se met soudain à le masturber comme une petite verge, avec un mouvement si habile que j'en jouis aussitôt. Je sens mon humidité qui explose entre mes jambes et le souille abondamment, et sa verge lubrifiée se met à jouer de plus en plus vite entre mes parois qui se resserrent. Il a un sursaut de plaisir fulgurant, il pousse un râle qui ressemble à un rugissement, et il éclate à son tour, comme un feu d'artifice.

Je le sens partir en moi. Je sens le sperme qui gicle. C'est incroyable, cette sensation de le happer tout entier, de boire le contenu de son corps. Mon sexe se plaque à lui avidement comme une petite bouche affamée. Il se gonfle sur toute sa longueur, encore et encore, alors qu'il relâche tout, profondément ferré dans ma chair...

Alors qu'il éjacule avec puissance, je sens ses bourses se presser contre moi et se contracter ; je découvre le fonctionnement de son corps, avec la fascination ahurie d'une vierge qui n'aurait jamais touché un homme. Tout ce qu'il fait est excitant et sacré. Mon orgasme est encore en cours, de petits spasmes de plaisir me traversent par instants et m'arrachent des cris languissants. J'ai le feu au cul et je l'ai aussi à la tête, et au coeur. Et dire que dans cette position, je ne peux pas le serrer contre moi ! Je m'écarte de lui presque violemment, lui laissant sur le visage une expression d'incompréhension, et je me tourne face à lui pour l'enlacer, l'étreindre de toutes mes forces. Je veux sentir son coeur battre contre le mien, je veux le serrer et le presser contre moi, en moi. Je remets son sexe toujours dur entre mes jambes ; il est si trempé que mes doigts glissent, mais je l'enfonce et je m'empale à nouveau, dans un grand soupir.

"Reste là... Je t'en prie..."

Il reste. Appuyé contre moi, la poitrine gonflée d'un souffle lent, il savoure. Il est fiché en moi comme une lame et je suis son fourreau. Je veux le garder là longtemps, jusqu'à ce qu'il débande complètement. J'en tremble encore.

"C'était tellement bon, Ayden..."

Sa main capture mes doigts souillés et les ramène à ses lèvres ; il les lèche lentement, en me regardant droit dans les yeux, avec sur son visage une expression sensuelle comme j'en ai rarement vu sur la figure d'un homme.

"C'est toi qui est bonne, Julie. Ma petite française déchaînée."

On rit ensemble, et je prends conscience tout à coup de l'imprudence qu'on vient de commettre : on ne s'est pas protégés cette fois. Je me mords la lèvre. Il est trop tard pour le faire sortir de moi, de toute façon. Mais je m'en veux d'avoir été si bête.

"Ayden... La capote..."

Il éclate de rire de plus belle ; lui, apparemment, ça ne lui fait ni chaud ni froid. Mais je sais qu'il est complètement inconscient et habitué à prendre des risques sans arrêt. C'est son mode de vie et il n'en connaît pas d'autre ; et moi, je peux difficilement lui dire de faire plus attention... alors que le seul fait de sortir avec lui est une prise de risque, non seulement pour moi, mais pour des tas de gens qui dépendent de moi sans le savoir.

Mon père, que je trahis chaque fois que je fais entrer Ayden à la maison. Kaplan, à qui j'ai fait une promesse que je ne tiens pas du tout, et qui risque de se faire virer. Les gouvernements français et américain, qui ont tout intérêt à ce que personne, surtout personne de destructeur comme l'est mon petit ami, n'approche leurs précieux documents secrets. Et les soldats sur le terrain qui pourraient se faire tuer si ces infos secrètes étaient ébruitées...

Tout ça, ça fait beaucoup trop de monde pour ma petite responsabilité, et j'ai à nouveau le tournis en y pensant. Et maintenant il y a "le bébé". C'est plus fort que moi, mon esprit a sauté sur ce risque dès que j'ai réalisé qu'on ne s'était pas protégés. Je n'ai que dix neuf ans, je démarre à peine mes études, je suis complètement dépendante de mon père ; il n'y a même pas de commerces, dans cette foutue banlieue résidentielle, où je pourrais bosser pour gagner ma vie ! Si je suis enceinte, c'est le drame, ma vie est foutue !

Et il y a "le bébé". Sa vie est foutue aussi. Elevé entre moi qui serai déprimée à longueur de temps, mon père qui le considérera comme un parasite à nourrir, et Ayden qui... sans doute ne sera pas là pour jouer un rôle de père... qu'est-ce qu'il deviendra ?

Soudain, les larmes me montent aux yeux. Je m'accroche à Ayden de toutes mes forces. Je ne veux pas qu'il m'abandonne, pas pour ça ! Il est tout surpris et me caresse le dos sans comprendre, cherchant quoi dire pour me calmer.

"Tu as peur de quelque chose, ma chérie ?" demande-t-il tout doucement. "Tu veux qu'on aille faire des tests demain ? On ira ensemble, je t'emmènerai."

Lui, il a pensé aux maladies sexuellement transmissibles. Je ne sais pas pour qui il me prend mais, si quelqu'un a transmis quelque chose à l'autre, ce n'est sûrement pas moi ! Mais ce n'est pas une mauvaise idée qu'il propose là, je serai plus tranquille si il fait un bilan et que je peux être rassurée à son sujet, ou, au pire, qu'il se soigne.

"Ok, on ira."

Et moi, je passerai un test de grossesse. Je ne sais pas encore si je le mettrai dans la confidence, mais au fond ça ne concerne... En même temps, ça a l'air terriblement intime à faire, je crois que je vais avoir besoin d'être seule et de me préparer psychologiquement au résultat. Et si je suis enceinte, oh là là... Bon, il y a la pilule du lendemain, heureusement !

Pendant quelques secondes, j'ai le doute. L'idée de fonder une famille avec Ayden, de me sauver avec lui et de vivre tous les trois, en galère sans doute, mais libres, est soudain terriblement attirante. Mais je ne peux pas lui imposer ce fantasme bizarre. Sûrement qu'il ne voit pas du tout les années à venir sous cet angle là.

Je décide de garder la démarche pour moi. Advienne que pourra, je prendrai ma décision en fonction du résultat.

Et le lendemain, le résultat tombe...

Roulements de tambours...

Rien. Je ne suis pas enceinte.

C'est drôle comme je suis déçue soudain, alors que je m'étais monté la tête toute la nuit, faisant et défaisant tous les plans possibles pour me sortir de là ; et maintenant, en regardant la petite languette de plastique, j'ai le vague à l'âme. Je m'y voyais déjà. Maman à vingt ans. Mise enceinte par un voyou, par erreur.

Et pourtant... Je m'y voyais et ce n'était pas une vision désagréable, malgré tous les obstacles.

Je crois que je l'aime vraiment, ce type. Quelle andouille je fais... Le jour où, inévitablement, il me plaquera pour découvrir d'autres horizons, je vais en avoir le coeur brisé !

J'y pense encore quand je rejoins Madison au réfectoire pour manger. Par habitude, je m'assois en face d'elle. Mais pour une fois elle n'est pas seule. Oh non ! L'autre étudiante en sciences est encore là, et elles papotent avec conviction, dans ce qui me semble être une langue étrangère mystérieuse, pleine de mots latins.

Je me sens complètement mise à l'écart. Mais je ne peux quand même pas lui en vouloir d'avoir enfin trouvé quelqu'un avec qui elle peut discuter... Je vois alors passer l'étudiant en lettres, celui qui faisait des bulles en forme de coeurs, à la soirée ; il est tout seul, je l'invite à venir s'asseoir avec nous et après un moment de timidité, il accepte. Au moins, j'ai quelqu'un avec qui parler.

Madison est déjà toute impatiente d'aller à la prochaine fête avec sa nouvelle amie, et cette fois c'est elle qui nous entraîne, le nouveau venu et moi. Il s'appelle Jim et il est en troisième année de littérature, il a déjà écrit deux romans et essaie de les vendre sur internet ; du coup, je lui parle de mon projet de groupe de rock, et je lui montre les derniers textes de chansons que j'ai écrits... ça lui plaît beaucoup et comme j'écris en français, il me propose de faire des textes en anglais pour avoir quelques titres que mes "nouveaux fans" vont comprendre. Je ne suis pas contre. J'intéresserai plus de monde, c'est toujours utile.

Il s'étonne que j'étudie le droit ; je lui explique avec une petite moue que ce n'est pas mon idée, mais celle de mon père. Il me comprend très bien, ses parents aussi voulaient qu'il devienne avocat, pour suivre leurs traces, et il s'est brouillé avec eux pour suivre sa voix. Je suis impressionnée : avec son handicap, ça a dû être encore plus dur de prendre un tel risque que pour l'étudiant lambda. Mais il a trouvé un job à la bibliothèque universitaire, et il arrive à se maintenir pour l'instant. Il en parle avec modestie, comme si c'était tout simple.

Je le regarde s'éloigner après le repas, pensive. Puis je reçois un message d'Ayden, et à mon tour, je me lève de table en faisant signe à mes copines que je reviens. Madison rit un peu, moqueuse ; elle a l'habitude qu'il m'appelle tout le temps. Elle l'appelle "le canari de la coloc", parce que mon téléphone est toujours en train d'émettre des petits bruits criards à cause de lui. Je rougis en me rendant compte qu'il m'envoie une vidéo de lui en train de se branler.

"Tu es fou," dis-je en me mordillant la lèvre ; mais je file m'enfermer aux toilettes pour regarder, et me faire du bien moi aussi.

"Et tu sais où je suis ?"

Je regarde tout autour de lui. Soudain, avec horreur, je reconnais la décoration. Cette collection de petits animaux en céramique turquoise, alignés au long de l'étagère. C'est chez moi ! Chez mon père, en tout cas. Dans ma chambre, celle qui communique avec la sienne. Je savais qu'Ayden était capable d'y entrer par la fenêtre, mais...

"Tu es fou !" Cette fois je le dis sérieusement. "Qu'est-ce que tu fais là ! Sauve toi vite !"

"Pourquoi ? On est bien sur ton lit," dit-il en s'astiquant plus fort, les joues rouges et le souffle haletant. Je ne peux pas m'empêcher de me masturber en le regardant, et de jouir en même temps que lui, dans un petit gémissement aigu. Tout mon corps se crispe et mes doigts s'enfoncent, mais rien ne remplace la sensation de sa queue plongée en moi, et de cette explosion de sperme qu'il m'a fait sentir l'autre jour... Je tremble presque de frustration.

"Sors de là maintenant," dis-je, agacée et insistante. "Ne reste pas là, tu vas te faire prendre. C'est très important pour mon père que personne n'entre chez nous."

"Ton père, je l'emmerde," répond-il avec insouciance, en rengainant son gros membre dans son caleçon. "En fait, je le hais, ton père. Le directeur d'une usine d'armement, hein ? Il mériterait qu'il lui arrive des bricoles, à sa précieuse maison."

J'ai toujours apprécié ce côté punk-rock chez Ayden, même si je m'en cache en public, mais je n'aime pas l'entendre parler ainsi. Il a beau être sexy et irrésistible, il a beau m'avoir entièrement sous son charme, je ne peux pas le laisser faire n'importe quoi. Déjà, il va perdre. Mon père est beaucoup trop puissant. Ayden va s'en tirer en perdant des plumes. Et puis... Il n'a pas l'air de comprendre que mon père est ma seule famille, et que même si on n'a pas la même vision de la vie, je l'aime et je ne veux pas qu'il lui arrive quelque chose de mal.

Enfin, là, je ne suis pas en état de lui expliquer tout ça.

"Sors juste et va faire un tour. Tiens, va voir le groupe. Je t'envoie de nouvelles paroles, en anglais cette fois. Vous allez pouvoir chanter avec moi, pour changer !"

"Oh, tu as écrit en anglais ?"

Il a au moins un bon côté : il se passionne pour tout ce que je fais. Je lui souris, radoucie, mais je m'assure qu'il repasse par la fenêtre, retraverse le jardin et rentre chez son oncle. Là, le voilà en sécurité, avec ce gros chien blanc qui garde leur propriété.

"Oui, enfin j'ai trouvé quelqu'un pour nous écrire des paroles en anglais, plutôt ; elles ne sont pas de moi, mais elles sont franchement bien."

Ayden fronce les sourcils, mais il n'a pas le temps de me questionner. Son oncle l'appelle, et on sait tous les deux qu'il ne faut pas le faire attendre...

Je crains un peu qu'il confonde l'autorité bienveillante de mon père avec l'autorité toxique de son oncle, et qu'il ne se venge sur la proie la plus facile. Il faudra qu'on discute de tout ça. J'espère qu'il n'est pas jaloux de Jim, enfin, je n'ai encore rien dit à son sujet... au pire je dirai "c'est un étudiant handicapé", il ne se sentira pas en concurrence. C'est un peu con mais je ne veux pas qu'il y ait des problèmes entre eux.

Je suis sûre que, dès qu'il aura lu quelques uns de ses textes, il le trouvera sympathique. Ils sont vraiment excellents.

J'envoie tout aux différents membres du groupe, et les réponses commencent à arriver : tout le monde est d'accord pour dire que ce sont de bons textes, et qui collent bien à notre esthétique. On va pouvoir commencer les enregistrements le mois prochain, quand tout le monde se sera familiarisé avec les arrangements musicaux. Et les clips... Oh, en fait, on pourrait même commencer à tourner quelques scènes dès maintenant.

Je passe mes heures de liberté à me balader sur le campus, en cherchant des endroits insolites où on pourrait tourner quelques secondes de clip à la sauvette, sans déranger personne. Il y a des coins qui ont vraiment une ambiance incroyable. De quoi mettre en place un vrai petit univers. Certains bâtiments sont vraiment construits comme un château, et en haut de quelques tours, il y a un espace où on peut tourner devant les créneaux, avec juste en fond le ciel et la campagne au loin ; ça pourrait sortir de n'importe quelle époque.

Je ne pensais pas que cette Université recélerait autant de trésors pour ma future carrière... qui ne sera pas une carrière d'avocate indéfiniment, n'en déplaise à mon père.

Enfin, le samedi soir, Kaplan vient me chercher pour me ramener à la maison familiale. En chemin, je lui demande comment vont les choses là-bas. Il est sûr que j'ai hâte d'assister à la messe de dimanche ; il sait très bien que je compte en profiter pour avoir une petite conversation avec Ayden, en toute discrétion. J'insiste : je veux aussi des nouvelles de mon père... Le mot "aussi" le fait rire, et je conçois que je suis assez flagrante.

"Votre père va assez bien, mademoiselle Julie. Assez bien pour quelqu'un qui vient d'être cambriolé, je dirais."

Je reste sans voix. De quoi il parle ? Mon père ne m'a rien raconté de tel.

"Cambriolé ? Quand ça ? A l'usine ?"

"Non, chez vous. Sa chambre a été ouverte et quelqu'un a cherché des objets de valeur. Je dis cherché, car rien n'a été emporté."

J'essaie de me rappeler de quoi on a parlé au téléphone cette semaine, mais vraiment, ça ne me rappelle rien. A moins que ce soit arrivé hier soir... Je frémis en pensant à Ayden et à ses mauvaises habitudes. Non, ça ne peut quand même pas être lui !

Kaplan m'observe dans le rétroviseur, comme si il essayait de lire dans mes pensées.

"Qu'y a-t-il, mademoiselle Julie ?"

"Eh bien... ça me choque. J'ai l'impression que ma semaine s'est passée à discuter avec Madison, et à l'écouter me convertir aux avantages de Linux."

"Il ne vous en a pas parlé pour ne pas vous affoler," suppose le chauffeur en fixant à nouveau la longue route droite, qui coupe à travers des champs de colza à perte de vue.

"Oui, probablement."

Ou alors... il me croit complice. Il sait que c'est mon abruti de petit copain qui l'a cambriolé juste pour lui donner des sueurs froides, et il croit que je suis de mèche. Après tout, je suis la seule à qui mon père a parlé des documents secrets qu'il cache dans sa chambre. Bon. Au moins, rien n'a été pris... ça, j'espère que c'est vrai.

J'attends l'arrivée avec un mélange d'impatience et d'appréhension. Je me demande à quelle sauce je vais être mangée. Mon père m'aime, mais face à une pareille trahison je ne sais pas ce qu'il ferait. Il me renierait, je pense. S'il y a bien une valeur qu'on met en exergue dans notre famille, c'est la loyauté ; ça, et l'effort, la détermination, ce genre de choses... Comment on appelle le fait de rester bien droite et bien souriante, alors qu'on approche de la porte de la maison, avec la crainte de se faire engueuler comme une criminelle ?

Le sang froid, peut être ?

Mais quand j'ouvre la porte, mon père est tout sourire. C'est ce sourire particulier qu'il a quand il me prépare une surprise. A l'appréhension se substitue immédiatement une curiosité mêlée de soulagement.

"Je t'avais dit que je te trouverais un système pour te promener sans avoir de problèmes," dit-il fièrement. "Le voilà, ce système."

Il s'efface et me montre derrière lui une boule de poils blancs.

"C'est notre aimable voisin qui l'a sélectionné lui-même, parmi un élevage de dogues argentins tenu par sa famille. Ce sont des chiens très fiables, qu'ils utilisent là-bas pour chasser des gibiers dangereux, comme le puma ou le sanglier. On va le faire dresser pour qu'il assure ta protection, et personne ne t'approchera sans son accord. Qu'est-ce que tu en dis ?"

Je m'approche de la petite bête apeurée, qui a l'air aussi ravie à l'idée de devenir un chien de garde que moi à l'idée de devenir avocate.

"J'en dis... qu'il est mignon."

"Oh, il ne le restera pas," assure mon père. "Dans quelques mois, il sera déjà énorme et très dissuasif, ils me l'ont assuré."

J'attire le petit chien sur mes genoux. Il va falloir que je l'habitue à Pirate, c'est ma première pensée. Je ne voudrais pas qu'il l'attaque par accident. Elle est mon premier animal de compagnie, pas question que je la néglige au profit du second.

"Il s'appelle Dario," affirme mon père.

"Oh, je ne peux pas lui donner un nom moi même ? A son âge, ça ne fait pas de différence pour lui. Je voudrais l'appeler Linux."

Quand je dirai ça à Madison, elle sera ravie. On commence enfin à s'entendre un peu mieux, maintenant qu'elle est sortie de sa coquille, et que je fais moi aussi des efforts pour la comprendre, enfin... jamais aussi bien que sa copine de sciences, c'est à craindre. Je raconte ça à mon père en câlinant le petit chien, tandis que Kaplan ramène mes valises à l'étage ; puis il nous laisse seuls, et c'est alors que mon père aborde le sujet sensible.

"J'ai une autre raison pour avoir installé ce chien chez nous. On vient d'être cambriolés. Hier soir, après que je t'aie parlé au téléphone. Ne t'inquiète pas," ajoute-t-il rapidement, "je n'ai rien, et on ne nous a rien pris. C'était juste une tentative maladroite."

Je hoche la tête, mais ça ne me rassure pas du tout. Une tentative maladroite, c'est précisément ce que ferait Ayden.

Il faut que je lui parle. Au diable la surveillance de Kaplan et la perspective d'attendre la messe ; il faut que j'en aie le coeur net tout de suite. Un texto et je serai fixée, je le connais trop bien pour qu'il puisse me mentir, de toute façon il n'essaierait pas.

"Tu les as vus ?"

"Qui ça ?"

"Les bandits, les gens qui sont entrés chez nous," dis-je nerveusement, craignant sa réponse.

"C'était une personne seule. Un homme jeune. Kaplan l'a vu sortir, une silhouette vêtue de noir, qui passait par la fenêtre de ta chambre. Il était tout juste rentré d'une course."

Ouais, de sa journée à la fac à me surveiller, sans doute. Je fais la grimace ; ce n'est pas le moment de jouer la conscience indignée mais j'ai bien envie de mettre les choses au point sur ce plan là aussi. C'est la première fois que mon père me flique autant...

"Papa, j'ai remarqué qu'il me suit, tu sais. C'est très gênant. Les autres de la classe vont finir par le remarquer aussi."

"Oh, je suis sûr que certains de tes camarades vivent également sous surveillance," réplique mon père avec un sourire.

Il n'est pas du tout gêné d'avoir été surpris à son petit jeu ; au contraire, il a l'air tout fier. Je réfléchis à la question. C'est un peu ridicule, d'imaginer toute une classe d'élèves adultes suivie par une meute d'agents secrets plus ou moins discrets, et de gardes du corps. Mais c'est vrai, il y a dans ma classe des rejetons de politiciens, je suis sûre qu'ils sont eux aussi protégés... je n'y avais jamais pensé. Il ne fait que se plier à la tradition locale.

"Mais c'est différent, moi ! Tu me fais confiance," dis-je pour plaider un peu, par habitude, avec un petit sourire mignon.

"Ce n'est pas une question de confiance. Je te protège, ma fille. Tu pourrais être enlevée pour faire pression sur moi. Tu n'y as jamais pensé ?"

Non, jamais. Mais c'est que je suis toujours plus ou moins accompagnée par mon amant, et il ne laisserait personne me menacer. Il est capable de tuer pour moi, j'en suis sûre. C'est lui, mon chien de garde. Enfin... J'aime aussi Linux, maintenant que je l'ai tenu sur mes genoux un moment et qu'il s'y est endormi, je ne m'en séparerais pour rien au monde ! Je suis déjà sûre qu'il va jouer avec son gros chien comme une paire de vieux copains, dès qu'on les aura séparés.

Bien sûr, mon père me montre le verrou et les barreaux qu'il a fait installer à ma fenêtre, les caméras de surveillance et les alarmes dont il a truffé la maison. Il jure entre ses dents : Kaplan nous avait promis qu'on serait en sécurité ici, et voilà ce qui arrive. Je lui rappelle que Kaplan est juste un employé de la compagnie, qui n'avait sans doute jamais assisté à ce genre de chose avec les anciens résidents.

"Tu sais papa, c'est peut-être juste parce qu'on est Français ?"

Cette hypothèse le fait rire. Il me pose la main sur la joue et me regarde : "C'est peut-être juste parce que j'ai une fille magnifique, et ils n'auraient pas été mécontents de t'enlever en même temps que mes documents. Mais ne t'en fais pas, rien de tel ne risque d'arriver. Je veille sur toi."

Je lui fais un câlin, mais le coeur n'y est pas.

Il est loin de se douter qu'il a peut-être raison avec cette plaisanterie : c'est moi qui ai attiré une présence étrangère dans notre domicile. Je devrais le lui avouer, maintenant. Mais il faut avant tout que je m'assure que c'est bien lui. Car sinon... C'est encore plus inquiétant. Ça voudrait dire que parfois, quand il vient s'introduire chez nous par effraction, mon petit copain pourrait tomber sur d'autres, des espions, de vrais tueurs ; ou sur le service de sécurité qui l'arrêterait par erreur. Dans les deux cas, ce serait terrible pour lui.

Dès que j'ai un moment pour envoyer un texto sans être vue, je lui écris : "Dis moi que tu n'es pas entré chez nous hier soir vers 21h."

L'heure à laquelle Kaplan serait de retour chez nous, après m'avoir espionnée toute la journée, et avoir fait le trajet de retour.

Ayden ne tarde pas à répondre.

"Non, pourquoi ?"

Je respire. Mais en même temps, je suis glacée. Cela voudrait dire que de véritables ennemis ont investi notre domicile... Des gens qui pourraient revenir alors que nous sommes tous deux sur place. Je rejoins mon père, prenant tout cela un peu plus au sérieux.

"Linux est encore petit pour nous défendre, ce sera à moi de le défendre pendant quelques temps. Tu veux bien que je prenne des cours de tir ? Il y a un club à dix minutes d'ici."

Oui, ça évidemment il y en a un. C'est plus important que des commerces... décidément je ne comprends rien à cette ville.

"Tu es courageuse, ma fille," dit-il en me considérant comme s'il me voyait pour la première fois. "Tu as raison, maintenant que nous vivons dans cette région agitée, il faut apprendre à nous défendre comme le font les gens d'ici. Je ne pourrai pas t'accompagner, je travaille trop, mais je demanderai à Kaplan. Ce ne serait pas mauvais qu'il apprenne à se servir d'une arme à feu, lui aussi, au cas où il aurait encore affaire à un tel individu s'enfuyant de chez nous..."

Je pâlis légèrement, mais je souris.

Heureusement, tout le trouble que je manifeste pourrait être attribué à mes craintes pour notre maison et pour nos vies... pas pour un éventuel petit ami aux idées étranges, dont mon père n'a pas encore entendu parler.

Le lendemain matin, alors que Kaplan s'apprête à nous conduire à la messe, je lui dis un mot discrètement avant de monter dans la voiture :

"J'ai écrit à Ayden, il m'a promis que ce n'était pas lui qui était entré chez nous."

"Vous vous posiez la question, mademoiselle Julie ?"

Je le regarde en biais, agacée par son sourire, mais je dois bien avouer : "Oui, qui sait, pour faire une blague... c'est notre voisin après tout, il sait comment est faite la maison. Mais ce n'est pas lui."

"Il a vraiment promis ?"

La réponse est non.

"Oui. Je lui fais confiance. Il n'aurait aucune raison de me le cacher, si c'était une blague."

"Et si  ce n'était pas une blague ?" sourit l'homme en s'installant à sa place de chauffeur. Mon père arrive, et notre conversation se termine là. Mais pendant tout le trajet jusqu'au temple, j'ai l'impression de flotter. Oui, ma vie devient un vrai film d'espionnage.

Si ce n'était pas une blague... ça voudrait dire qu'Ayden sort avec moi, non pas parce que je lui plais, mais parce qu'il s'intéresse aux affaires de mon père. Ça changerait tout.

Je vais le voir dans quelques minutes, on va prier côte à côte. Et je ne sais plus soudain ce que je ressens pour lui...